Se revoir à Zanzibar est le roman le plus mystérieux de Frédéric Marinacce. On retrouve son héros, l’écrivain Fabrice Sinibaldi. Mais l’homme n’est plus le même. Son destin vient de bouger. La mort de son vieil oncle, un acteur d’autrefois, le rend orphelin au monde. Du coup, le lecteur plonge dans le passé d’un voyageur plus solitaire et plus attachant que jamais. Un homme qui a perdu la mémoire des plaisirs. Se revoir à Zanzibar est un long travelling sur la nostalgie des miroirs. C’est aussi une merveilleuse histoire d’amour avec ses arabesques et ses entrelacs de sens.
Frédéric Marinacce écrit des romans d’aventure comme un cinéaste.
J’ai voulu filmer l’histoire d’un rendez-vous. C’est l’idée d’être transformé par l’autre qui m’inspire. Mais il faut du mystère pour que la vie commence. C’est une affaire de strip-tease. Mon roman déshabille un homme jusqu’au passé, jusqu’à l’âme. C’est alors qu’une femme obscure apparaît. Et tout devient bouleversant ….
Première page
J’étais dans la cathédrale d’Ajaccio, à l’enterrement de mon cher oncle Antoine. La cérémonie rassemblait les amis, les voisins, les curieux.Seul sur le banc réservé à la famille, je fixais les draperies d’un gala funèbre tandis que le lamentu di Ghésu s’élevait, chanté par les polyphonies de Sartène.
J’étais plongé dans mes souvenirs lorsqu’une femme en grand deuil s’approcha de moi. Cachée sous une voilette, elle semblait sourire.
– Ne soyez pas triste Monsieur Sinibaldi. Votre oncle aimait la vie, elle le lui a rendu.
– Vous le connaissiez bien ?
– Oui.
– Qui êtes vous?
– Chut! Écoutez, c’est si beau.À la fin du chant, le vieux prêtre prononça des paroles d’espoir et l’inconnue en profita pour poursuivre la conversation.
– Je suis venue à un moment essentiel de votre vie parce que je savais vous trouver là, en cette cathédrale. N’ayez pas peur. Je n’annonce aucun mauvais présage. Je viens vous remettre cette lettre.Elle me tendit une enveloppe sur laquelle rien n’était inscrit.
– Il ne s’agit pas de condoléances mais d’un rendez-vous à Zanzibar.
– Vous me donnez rendez-vous à Zanzibar?
– Non pas moi. Ouvrez la plus tard.
– Zanzibar, comme c’est étrange!
– Vous êtes écrivain, vous connaissez l’esprit des lieux.
– Et qui dois-je rencontrer?
– Vous le saurez à Zanzibar.
– c’est tout?Sans répondre, elle approcha son visage. En écho à ses propos étranges, je devinais un sourire esquissé comme une ombre triste. Évitant de relever sa voilette, elle posa un baiser sur ma bouche, si tendrement que j’eus comme un vertige. Peut-être était-ce son souffle sous le tissu ou l’embarras de me donner en spectacle devant le cercueil de mon oncle et la moitié de la ville.