1966 : Fabrice Sinibaldi, écrivain tourmenté, se réfugie chez son oncle en Corse. Il reprend peu à peu goût à la vie à l’écoute des souvenirs de cet homme fantaisiste, acteur oublié du cinéma muet.
La recherche d’un film tourné clandestinement à Budapest avant-guerre le mène, après maintes péripéties, à Madagascar, sur les traces d’un père jésuite collectionneur de films d’amour, et de Mirana, mystérieuse héroïne surgie du passé. Aux côtés de Sinibaldi, dans cette recherche au bout du monde, une amante italienne au tempérament de feu dont les intentions se dévoilent peu à peu… Quatrième roman de Frédéric Marinacce, » le A noir de Madagascar » raconte les histoires d’un monde perdu. Il parle de l’homme en fuite et de la tentation de l’ailleurs. Le souffle du large se mêle aux jours enfuis et à l’espoir. » Le A noir de Madagascar » est à la fois le chef-d’œuvre disparu et le film magique de plusieurs vies.
Première page
La traversée sur le Fred Scamaroni avait été houleuse.
Dans la cabine qui jouxtait la mienne, des légionnaires avaient reconquis l’Indochine jusqu’à l’aube. Toute la nuit, une odeur de haschich s’était répandue à travers les cloisons.
À vingt sept ans, j’étais un homme en fuite, laissant derrière moi quelques costumes, un roman inachevé et des habitudes vides de sens. Je ne m’aimais plus. Étant mon propre ravisseur, j’avais pourtant le droit d’espérer une fin heureuse.
Je venais en Corse voir mon cher oncle Antoine. L’esprit piqué au vif par ce retour dans la ville blanche, je cherchais des signes à interpréter. Ma vie tanguait. Le désir éperdu d’ailleurs m’entrainait vers un pays de nostalgie. Au bord de l’eau. Les passagers s’étaient réveillés au son d’une douce mandoline.
Depuis le pont-promenade, j’observais le débarquement. Il était à peine huit heures du matin. J’avais un peu froid. Au loin, une voiture passa comme un trait de bonheur dans cette masse sombre et parfumée d’Ajaccio où persistait encore le sillage des empires disparus telle une déchirure dans un rideau d’histoire. C’était encore la nuit mais une nuit d’Orient. Les rayons liquides de la lune glissaient à travers les architectures d’ombre. Un souffle d’aurore ranimait toute la végétation du maquis si proche.
Ma valise à la main, je m’enfonçais dans la vieille ville jusqu’à la rue Stéphanopoli. Numéro 2, 2ème étage. Je frappai …