Delta du Mékong, 1927 : Paul, fils du receveur des douanes à Rach Gia, en compagnie de son ami de toujours, le boy Thiou, grandit au milieu des marchandises saisies : opium, or et ivoire… Et puis, un jour, c’est le grand départ. Le retour vers la France pour un congé d’une année. Renversez la vapeur, l’Extrême-Orient remplacé par l’Occident. Rien ne sera plus pareil, ni pour les maîtres ni pour Thiou. Choc des cultures, croisée des destins, aventures en Bretagne…
Frédéric Marinacce, avec ce premier roman, trace une histoire vraie, celle de sa famille corse, celle de l’Indochine et du rêve colonial. L’amitié de Paul et de Thiou traversera le siècle et les épreuves de l’oubli. Roman des rêves de l’enfance. Roman des possibilités perdues qui parle d’amour et d’infini, de corses, de bretons, d’Indochine et du Vietnam, sur un mode drôle et finalement extrême.
Première page
Mon père, François Sinibaldi, s’était tellement attaché à son boy qu’il le faisait dormir dans la baignoire.
Thiou adorait ça. Pêcheur du delta du Mékong, il appartenait plus au règne des poissons qu’à celui des vertébrés supérieurs des peuples de l’Union Indochinoise.
La silhouette gracile du jeune Khmer rehaussait le portrait de son maître, receveur des douanes en poste à Rach Gia qui, à quarante cinq ans, arrivait à l’apogée de son apparence : courtaud, tout de blanc vêtu, le casque sur la tête, la badine coincée sous le bras, le regard clair et fier, la moustache taillée selon la tradition réglementaire, donnant à tous ses gestes une curieuse importance dramatique. On le trouvait bel homme, cérémonieux, aimable. On le disait beaucoup plus riche qu’il n’était à cause de ses amitiés avec des Chinois et des Corses dans les affaires à Saigon.
Thiou préférait mon père, même en colère, à ma mère Victoire, grande femme élégante dont le visage ovale revêtait le masque d’une autorité parfois inquiétante. Maman, fascinée par Suzanne Lenglen et joueuse de tennis elle même, aurait bien cantonné Thiou dans un rôle de repasseur de jupette.