1975 : Un écrivain célèbre disparaît volontairement dans la jungle de Bornéo.
Il croit ne pas laisser de traces mais il se trompe. L’étonnant voyageur remonte en pirogue la rivière Baram à la poursuite d’un rêve et pour tenir une mystérieuse promesse. Après bien des méandres et des remous, il est sacré Rajah des Rivières par un village de » longues oreilles » encore ignoré des cartes de géographie. Il découvre l’amitié de Bijou, son guide inénarrable, la fraternité des peuples de l’amont à l’humour décapant et au coeur généreux et au terme de son voyage, l’amour d’une femme lumineuse. Dans son troisième roman, Frédéric Marinacce explore avec drôlerie les territoires exotiques de l’imagination. Roman de la fuite et de la recherche d’identité, Le rajah des Rivières, jalonné de rendez-vous magiques, diffuse un parfum nostalgique et voluptueux.
Première page
L’Oriental. Il y a des noms dont on se souvient toujours. Le paquebot quittait Singapour. Lorsqu’il largua le câble le rattachant au bateau pilote, je compris que ma première vie venait de sombrer. À trente quatre ans, j’étais un homme en fuite, étranger à lui-même. Mon destin m’entraînait dans la jungle, du moins je le pensais. Mon voyage commençait sous mauvais temps, par une forte mousson du Nord-Est qui chavirait les cœurs et soulageait les ventres. Entre le marine et le mauve, un fantôme d’écume coloriait en blanc nostalgique tous les passagers. Lisant sur le pont le récit chahuté de ma disparition dans un vieux numéro du Monde, j’appris que la police n’écartait aucune hypothèse, même celle de l’enlèvement. Étant mon propre ravisseur, j’avais le droit d’espérer une fin heureuse. Une fierté existentielle illuminait mon regard incertain. Il me semblait qu’on parlait plus sincèrement de moi mort que vivant. Je me regrettais presque. J’allais devenir Rajah dans l’île mystérieuse de Bornéo. Encore une histoire d’écrivain à raconter entre deux verres de Singapore Sling, mais une histoire d’amour.